“Cette technique n’est pas pour moi” : Es-tu trop pressé d’abandonner en JJB ?

« Cette technique n’est pas pour moi » _ Es-tu trop pressé d’abandonner en JJB

Le jiu-jitsu brésilien nous confronte inévitablement à des techniques qui résistent à notre maîtrise. Malgré des heures d’entraînement, certains mouvements restent mystérieusement hors de portée. Le triangle de bras refuse de se verrouiller correctement, le balayage de ashi barai échoue systématiquement, ou cette garde complexe semble anatomiquement incompatible avec notre corps.

Cette réalité soulève une question fondamentale que nous nous posons tous à un moment donné : quand est-il légitime d’abandonner une technique qui ne fonctionne pas pour nous ? À quel moment passer de “je dois juste mieux comprendre ce détail” à “cette technique n’est pas pour moi” ?

La réponse, comme souvent en jiu-jitsu, n’est pas binaire. Les ceintures de JJB avancées développent généralement un arsenal spécialisé, une sélection affinée de techniques qui fonctionnent particulièrement bien pour leur morphologie et leur style. Cette spécialisation semble inévitable et même souhaitable. Personne, pas même les champions du monde, n’utilise l’intégralité du curriculum technique du JJB.

Pourtant, nous avons tous vécu ces moments de révélation où une technique longtemps abandonnée devient soudainement accessible grâce à un détail technique précédemment négligé.

Car tu le sais autant que nous, le JJB est autant un art d’adaptation qu’une science d’application. Notre objectif ici n’est pas de distribuer des permissions pour abandonner ce qui est difficile, mais de proposer un cadre de réflexion pour des choix techniques judicieux qui accélèrent ton évolution personnelle.

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La spécialisation : une nécessité dans l’évolution du pratiquant

Le paradoxe de l’apprentissage

Le jiu-jitsu brésilien semble parfois nous imposer une contradiction fondamentale. D’un côté, la richesse technique de notre art exige une connaissance encyclopédique. De l’autre, la réalité du combat impose une spécialisation inévitable. Ce paradoxe devient particulièrement évident lorsqu’on observe attentivement les compétiteurs de haut niveau, qui s’appuient généralement sur un nombre étonnamment restreint de techniques.

Le processus naturel de sélection

À mesure que tu progresses dans ton parcours, une sélection naturelle s’opère dans ton arsenal technique. Certains mouvements deviennent instinctifs, d’autres restent perpétuellement maladroits. Ce processus n’est pas un échec, mais une évolution nécessaire. Ton corps et ton esprit identifient progressivement les techniques qui correspondent à ta morphologie, tes capacités physiques et ton style naturel.

Les signes d’une technique qui “n’est pas pour toi” se manifestent généralement par :

  • Une sensation persistante de maladresse après des mois de pratique
  • Des limitations physiques qui rendent l’exécution douloureuse ou risquée
  • Un faible taux de réussite en situation de combat réel
  • Une incompatibilité avec le reste de ton jeu technique

La réalité des champions

🥇 Observons les grands noms de notre discipline. Même les champions les plus complets s’appuient sur un nombre limité de techniques qu’ils ont perfectionnées à l’extrême. Ce n’est pas par ignorance ou par paresse qu’ils procèdent ainsi, mais par efficacité stratégique. La profondeur plutôt que l’étendue devient la clé de leur succès.

Cette approche se manifeste particulièrement aux niveaux avancés. À partir de la ceinture violette, de nombreux pratiquants commencent à “élaguer” consciemment certaines branches de leur jeu technique. Ce processus s’intensifie généralement à la ceinture brune, où les choix techniques deviennent plus affirmés et délibérés.

L’équilibre entre connaître et maîtriser

📚 Il existe une distinction cruciale entre connaître une technique et la maîtriser. Nous recommandons d’apprendre et de comprendre l’ensemble du curriculum, même les mouvements que tu n’utiliseras jamais en combat. Cette connaissance te permettra de reconnaître ces techniques lorsqu’elles seront utilisées contre toi et d’anticiper les défenses appropriées.

La véritable maîtrise, en revanche, nécessite une sélection plus rigoureuse. Le temps et l’énergie sont des ressources limitées. Consacrer des heures à perfectionner une technique qui ne correspond pas à tes prédispositions naturelles peut s’avérer contre-productif, surtout si cette même énergie pourrait être investie dans l’amélioration de mouvements qui amplifient tes forces naturelles.

Les raisons légitimes d’abandonner une technique

Le corps ne ment jamais. Voilà une vérité fondamentale en jiu-jitsu brésilien qui devrait guider tes choix techniques. Certaines limitations physiques constituent des motifs parfaitement valables pour écarter définitivement une technique de ton arsenal.

Les limitations physiques incontournables

Les problèmes de dos représentent sans doute la raison la plus commune et légitime pour abandonner certaines techniques. Les gardes inversées, si populaires dans le jiu-jitsu moderne, exercent une pression considérable sur les vertèbres cervicales et lombaires. Après 40 ans, ou avec un historique de hernie discale, ces positions deviennent souvent trop risquées pour être pratiquées régulièrement.

“Je ne fais pas d’inversions. Ça fait mal à mon dos, et je n’aime pas ça. Je trouverai autre chose.”

Cette décision n’est pas un aveu de faiblesse, mais un choix éclairé permettant une pratique durable. La longévité dans notre art devrait toujours primer sur la maîtrise exhaustive du curriculum.

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Les atteintes aux articulations constituent un autre motif légitime. Des pratiquants ayant subi des blessures aux genoux évitent délibérément certaines gardes comme De La Riva qui sollicitent intensément les ligaments latéraux. D’autres, avec des problèmes aux épaules, limitent les techniques qui exigent une amplitude extrême.

Le rapport coût/bénéfice défavorable

Catégorie de techniques Investissement requis Alternatives possibles
Techniques d’inversion Travail intense de mobilité, risque accru de blessures Butterfly guard, half guard, closed guard
Contrôles de spider/lasso Dégradation des articulations des doigts Contrôles sans gi, underhooks, overhooks
Techniques exigeant une flexibilité extrême Années de travail sur la mobilité Versions modifiées, adaptées à ta morphologie

Certaines techniques demandent un investissement disproportionné par rapport aux bénéfices qu’elles apportent. Le jiu-jitsu n’étant pas notre seule activité, nous devons faire des choix stratégiques dans notre développement technique. Si une semaine entière de travail sur une technique spécifique ne produit aucun résultat tangible, il est peut-être temps de la mettre de côté, au moins temporairement.

L’incompatibilité avec ton style de jeu

⚙️ La cohérence technique reste la clé d’un jiu-jitsu efficace. Une technique isolée, même parfaitement exécutée, perd de sa valeur si elle ne s’intègre pas harmonieusement dans ton système global. Un pratiquant spécialisé dans le jeu de garde papillon pourrait légitimement délaisser les techniques spécifiques au jeu de garde fermée, non par incapacité, mais par choix stratégique cohérent.

Cette vision systémique du jiu-jitsu se développe généralement après quelques années de pratique. Au début, nous accumulons des techniques disparates. Avec l’expérience, nous commençons à percevoir les connexions entre les positions et à construire des chaînes techniques cohérentes.

Les techniques à faible pourcentage

Certaines techniques spectaculaires que nous admirons en compétition présentent un taux de réussite très faible, même pour les experts. Les attaques volantes, les soumissions complexes nécessitant des conditions très spécifiques, ou les inversions acrobatiques appartiennent à cette catégorie.

Si tu n’es pas un compétiteur professionnel avec des heures quotidiennes d’entraînement, concentrer ton énergie sur ces techniques peut s’avérer contre-productif. Les positions fondamentales et les soumissions à haut pourcentage devraient constituer la colonne vertébrale de ton jiu-jitsu, surtout si tu pratiques avec une perspective de défense personnelle.

L’approche nuancée : Mettre sur pause plutôt qu’abandonner

Entre l’acharnement stérile et l’abandon prématuré existe une voie médiane plus judicieuse. Le concept de “technique mise sur l’étagère” offre une perspective rafraîchissante face aux difficultés techniques persistantes.

Le phénomène du “clic” technique

Combien de fois avons-nous vécu cette expérience ? Une technique nous échappe pendant des mois, voire des années. Puis, soudainement, un jour ordinaire d’entraînement, un détail minuscule transforme l’impossible en évident. Ce “clic” mystérieux survient souvent quand nous avons cessé de forcer.

Le jiu-jitsu fonctionne par accumulation subtile de compréhension. Notre cerveau continue à traiter l’information en arrière-plan, même lorsque nous ne pratiquons pas activement une technique. Ce processus inconscient explique pourquoi un mouvement jadis inaccessible devient parfois étrangement naturel après une période d’abandon.

“Je détestais les guillotines depuis ma ceinture blanche jusqu’à la fin de ma ceinture violette. Un jour, on m’a montré un détail, et elles ont instantanément cliqué. Je suis passé de zéro réussite en combat réel à en enchaîner plusieurs en no-gi.”

Cette réalité nous incite à remplacer “Cette technique n’est pas pour moi” par “Cette technique n’est pas pour moi en ce moment.

L’évolution technique comme déblocage

Les techniques en jiu-jitsu ne fonctionnent pas isolément. Elles s’inscrivent dans un écosystème complexe où chaque élément influence les autres. Parfois, le blocage sur une technique spécifique provient d’une lacune ailleurs dans ton jeu.

Prenons l’exemple du triangle de bras (arm triangle). Cette soumission dépend fortement :

  • De la qualité de ton contrôle positionnnel
  • De la précision de tes appuis
  • De ta compréhension de la mécanique d’étranglement

Un progrès dans l’un de ces domaines annexes peut soudainement débloquer une technique jusque-là résistante. C’est pourquoi nous recommandons de revisiter périodiquement les techniques “abandonnées”.

La stratégie de l’étagère technique

Comment procéder concrètement

  1. Identifie clairement la difficulté – Est-ce un problème de timing, de mécanique, de force, de flexibilité ?
  2. Documente ton niveau actuel – Prends des notes sur tes tentatives et les obstacles rencontrés.
  3. Fixe une période d’abandon conscient – Décide délibérément de mettre cette technique de côté pour 3-6 mois.
  4. Travaille les compétences adjacentes – Identifie les fondamentaux qui soutiennent cette technique et renforce-les.
  5. Planifie une session de “redécouverte” – Note dans ton calendrier une date pour revisiter cette technique.

Cette méthode structurée transforme l’abandon en pause stratégique. Elle libère l’esprit de la frustration tout en préservant l’opportunité d’une future maîtrise.

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Les phases de développement technique

Notre relation avec les techniques évolue naturellement à travers différentes phases:

Phase 1: Découverte enthousiaste – Tout semble possible et fascinant.

Phase 2: Frustration réaliste – Les limites apparaissent, le découragement s’installe.

Phase 3: Mise sur l’étagère – Période de détachement conscient.

Phase 4: Redécouverte éclairée – Approche renouvelée, souvent avec une compréhension plus profonde.

Phase 5: Intégration naturelle – La technique devient une extension intuitive de ton jiu-jitsu.

Reconnaître ces phases permet d’aborder les difficultés techniques avec plus de patience et de perspective. La phase 2 n’est pas un échec, mais une étape normale du processus d’apprentissage.

La stratégie d’apprentissage optimale : connaître sans maîtriser

Une distinction fondamentale s’impose entre comprendre une technique et l’intégrer à son jeu personnel. Cette nuance, souvent négligée, révèle une approche stratégique de l’apprentissage en jiu-jitsu brésilien.

Connaître pour se défendre

Même les techniques que tu n’utiliseras jamais offensivement méritent ton attention. La compréhension mécanique d’un mouvement constitue ta meilleure défense contre celui-ci. Le temps consacré à étudier les berimbolo, les inversions acrobatiques ou les étranglements complexes n’est jamais perdu, même si ces techniques ne figureront jamais dans ton arsenal offensif.

Cette connaissance défensive se manifeste sous plusieurs formes :

“Je n’exécute jamais de berimbolo, mais je comprends parfaitement ses phases initiales et ses points de vulnérabilité.”

“Les inversions me blessent le dos, mais j’ai appris à reconnaître les signes avant-coureurs quand un adversaire s’apprête à inverser.”

Cette approche transforme les techniques “abandonnées” en connaissances précieuses plutôt qu’en lacunes regrettables.

L’évolution de l’apprentissage à travers les ceintures

Ceinture blanche : Phase d’accumulation sans discernement. La question “Cette technique est-elle pour moi ?” ne se pose pas encore.

Ceinture bleue : Début de spécialisation, premières affinités techniques. Les limitations physiques commencent à influencer les choix.

Ceinture violette : Phase critique de sélection. Élagage conscient des techniques peu compatibles avec son style.

Ceinture brune : Raffinement d’un système personnel cohérent, avec occasionnellement des redécouvertes techniques.

Ceinture noire : Équilibre entre spécialisation poussée et curiosité renouvelée. Paradoxalement, certaines techniques abandonnées reviennent souvent à ce stade.

Cette progression naturelle t’invite à adapter ton approche selon ton niveau actuel. À la ceinture blanche et début de la bleue, l’ouverture totale reste recommandée. À partir de la ceinture violette, une sélection plus rigoureuse devient non seulement acceptable mais nécessaire.

L’apprentissage holistique vs ciblé

Une approche équilibrée combine deux types d’apprentissage complémentaires :

Apprentissage holistique :

  • Exposition à l’ensemble du curriculum technique
  • Compréhension des principes fondamentaux
  • Développement d’une vision globale du JJB

Apprentissage ciblé :

  • Perfectionnement obsessionnel de techniques sélectionnées
  • Développement de variations personnalisées
  • Création de chaînes techniques cohérentes

Le ratio entre ces deux approches devrait évoluer avec ta progression. Un débutant bénéficie d’un apprentissage majoritairement holistique (80/20), tandis qu’un pratiquant avancé consacrera peut-être 80% de son temps à l’apprentissage ciblé. Nous avons d’ailleurs rédigé un guide à ce sujet, tu le trouveras juste ici 👇

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La gestion du temps d’entraînement

Comment répartir concrètement ton temps d’entraînement limité ? Nous proposons un cadre adaptable :

  1. 60-70% pour tes techniques fondamentales – Les mouvements que tu utilises régulièrement et qui définissent ton style
  2. 15-20% pour l’expérimentation – Exploration de nouvelles techniques ou variations
  3. 10-15% pour la révision – Retour périodique sur des techniques mises “sur l’étagère”
  4. 5-10% pour l’étude défensive – Compréhension des techniques que tu n’utilises pas mais contre lesquelles tu dois te défendre

Cette répartition assure un développement équilibré tout en respectant la réalité de nos contraintes temporelles.

L’importance du “drumming” mental

La pratique mentale constitue un complément puissant à l’entraînement physique. Des études en neurosciences confirment que visualiser une technique active partiellement les mêmes circuits neurologiques que son exécution physique.

Cette pratique mentale s’avère particulièrement précieuse pour les techniques que tu ne peux pas exécuter régulièrement pour des raisons physiques. Par exemple, si les inversions sollicitent trop ton dos, la visualisation régulière de ces mouvements maintient et renforce ta compréhension sans risque de blessure.

La vision à long terme

La beauté du jiu-jitsu réside dans son potentiel d’évolution continue. Des techniques de JJB aujourd’hui inaccessibles pourraient devenir centrales dans ton jeu futur. Inversement, tes mouvements signatures actuels pourraient progressivement céder la place à d’autres approches.

Cette fluidité technique reflète l’essence même de notre art : l’adaptation permanente. Ton corps change, ton niveau d’expérience évolue, tes partenaires d’entraînement se renouvellent. Dans ce contexte dynamique, la question “Cette technique est-elle pour moi ?” mérite d’être posée régulièrement, mais jamais répondue définitivement.

Nous te recommandons d’adopter une position d’humilité technique. Même après des années d’échec avec une technique spécifique, reste ouvert à la possibilité d’une révélation tardive. Cette curiosité persistante, associée à une sélection stratégique, caractérise les pratiquants qui continuent à progresser bien après que d’autres aient atteint un plateau.

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